LYSANDRE DE LAROCHE — en cours.

· extravagante et difficile à satisfaire, tu es la diva : tu es une reine, une lionne, une Luna ; tu es celle qui fait courber l'échine aux autres de par sa férocité, qui obtient ce qu'elle veut, par la force s'il le faut. Pire qu'un lion, tu dévores tous ceux qui se mettent en travers de ton chemin : peu importe qu'il s'agisse de la famille, ou des soi-disant amis. Ton rugissement est aussi puissant que celui d'un tigre ; tes crocs de vipère injectent du poison qui se diffuse plus rapidement que celui d'un mamba noir ; tes griffes s'accrochent à ta proie, tel un rapace. Tu es la femelle, la dangereuse, l'animale ; tu es le lys cendré.

· tu protèges ceux que tu aimes ; au diable ceux qui font semblant ! tu ne les veux pas dans ta vie. Quant à ceux qui t'aiment en retour... eux, tu les chériras comme la prunelle de tes yeux, jusqu'au jour où ils te trahiront. Parce qu'ils le feront forcément. Par lassitude ou par intérêt, ils tenteront de te planter un couteau dans le dos ; mais tu te retourneras à temps pour agripper leur poignet et le tordre. L'arme blanche tombera dans un bruit, et tes yeux enflammés par le désir de vengeance brilleront dans l'obscurité. Tu ne pardonnes pas ; tu n'oublies pas non plus : tu fais juste semblant.

· tu résous des puzzles lorsque tu as du temps libre, les démontes lorsque tu n'y arrives pas. Il paraît que le cerveau humain atteint quatre-vingts pour cent de son poids adulte à l'âge de cinq ans seulement ; que faisais-tu, à cinq ans ? Tu avais des professeurs particuliers qui s'évertuaient à t'apprendre de nouvelles choses, à faire de toi la surdouée que tes parents rêvaient d'avoir. Mais l'école ne t'a jamais intéressée ; pas que tu sois l'une de ces génies qui s'ennuie parce que tout est en-dessous de son niveau : plutôt que tu ne vois pas l'intérêt d'apprendre dans ces conditions. L'apprentissage devrait toujours être lucratif, attiser ce désir de savoir tapi en chacun d'entre nous, donner l'envie d'en connaître plus, toujours plus.

· tu n'as jamais été intelligente comme les autres. Tu es intelligente dans la ruse, dans la fourberie, dans l'anormalité. Tu fais des puzzles et les démontes lorsque tu n'y arrives pas : pour les faire à l'envers. On ne t'a jamais appris à jouer en suivant les règles. Tu ne regardes pas la solution ; tu la crées. À force de démonter des puzzles, tu apprends plus à les reconstruire qu'à les résoudre ; ça te correspond bien : cette façon de voir la vie comme un puzzle, de la résoudre comme un puzzle, de la démonter comme un puzzle. Tu crées tes propres règles ; tu ne suis que ce qui suit ta morale, ce qui te permet d'atteindre ton idéal, ce qui va avec tes pensées. Comme le dit la chanson, I don't care at all (J'en ai rien à foutre).

· mais dis-moi, ma Lysandre, mon lys, ma cendre ; dis-moi : ne t'arrive-t-il pas de pleurer silencieusement la nuit ? De sentir les larmes chaudes rouler le long de tes joues ? De te forcer à prendre de longues et profondes respirations pour ne pas alerter ta colocataire. Mais, oh, pourquoi pleures-tu, ma cendre ? Est-ce parce que tu sais que tu ne mérites pas ce que tu possèdes ? Est-ce parce que tu sais que tu n'es pas la fierté de tes parents ? Ou est-ce parce que tu sais que tu ne la mérites pas ? Ne pleure plus, ma cendre ; ne pleure plus lorsque le monde peut te voir, t'entendre, te sentir ; pleure lorsque tu es mieux cachée que sous ta couette, que tu peux te permettre d'être moche : car pleurer te rend moche, ma cendre.

· es-tu capable d'aimer ? il semble que oui. Car si tu ne ressens pas d'amour envers elle, quel est ce sentiment qui fait se dilater tes pupilles, qui rend parfois tes mains moites, qui te dessèche la gorge ? Ce sentiment qui te rend toute chose face à elle ? Dans ce cas, es-tu capable d'aimer ? Est-ce de l'amour ? Ou juste un désir profond, qui s'effacera au bout de trois mois, un béguin qui ne fait de mal à personne à part toi ? Espérons que ce soit cela : un béguin de rien du tout qui est apparu parce que tu t'es perdue. Tu t'es perdue dans le labyrinthe de la vie, oui ; mais ce n'est pas grave : tu fais comme si tout allait bien. Parce que c'est ainsi qu'on t'a élevée : avec le masque.